JJEUX AVEC LA LUMIÈRE

 

Un jour, sur notre terrasse toscane baignée de soleil, j’ai eu une fulgurante confirmation - que je savais théoriquement - les objets ordinaires, solides et bien définis, peuvent changer à l’infini dans les rayons de la lumière. Ils peuvent être vus comme des paysages, se présenter comme des visions surréalistes et forcer un sourire par la mise en avant d’un détail caché ou encore prendre une forme totalement abstraite. Avec cette “découverte” ont débuté mes jeux collaboratifs de cache-cache avec la lumière, qui ont conduit à cette collection et que je souhaite poursuivre.

 

À travers cet ensemble d’images j’ai voulu livrer au spectateur une expérience esthétique la plus pure possible. J’aimerais transmettre le plaisir que j’ai eu en captant des contrastes, des clairs-obscurs, des enchevêtrements de lignes et de formes, des nuances de matières donnant à voir l’infini des gammes monochromes allant du blanc au noir, d’une façon à chaque fois unique. Naturellement ceci n’est pas possible sans la complicité de la lumière. Je lui suis redevable et la remercie à chaque fois.

 

Je réalise ce genre de photos quand des images ou leurs fragments m’interpellent par leurs contrastes, étrangetés ou associations d’idées qu’elles suscitent chez moi. Je prends les photos dans l’urgence. J’ai besoin d’être entièrement à la disposition de la vision qui se présente à moi et qui est le plus souvent fugitive. En revanche, j’aime ”travailler” mes photos. Je peux passer des heures à les recadrer, contraster, décolorer, revenir à l’original et recommencer. Pour moi cela fait partie de la création, comme d’ailleurs les regrouper par thèmes, analogies ou oppositions.

 

Prendre une photo n’est que le commencement d’un processus créatif au bout duquel une photo doit toujours rester une photo si cela constitue l’objectif de création concernée. Après multiples traitements et manipulations, quand il est grand temps de ”figer” les photos, vient le temps d’une éventuelle exposition. Structurer une exposition constitue un travail créatif en soi. Mes photos ne racontent rien. Je ne leur ai pas attribué de titre pour ne pas leur faire dire autre chose que ce qu’elles donnent à voir. J’ai regroupé mes photos par deux. Je veux croire que des analogies, contrastes, symétries, oppositions ou analogies entre deux composantes d’un diptyque apporteront aux spectateurs une stimulation supplémentaire pour découvrir la complexité de chaque photo tout en créant une sensation propre à l’assemblage représenté par chaque diptyque.

 

D’ailleurs, si j’avais la possibilité de réaliser une nouvelle exposition de cette série de photos, dans un espace disposant de trois ou quatre salles distinctes, je pousserais le procédé plus loin en regroupant dans chaque pièce une variation de photos autour du même objet ou du même sujet. Ainsi, je pourrais inviter le spectateur à l’expérience démontrant comment le même objet du quotidien, photographié sous une lumière changeante et sous des angles divers, peut livrer une vision nouvelle et particulière de son intimité, de sa complexité et de sa relation nouvelle avec l’environnement. 

 

Les gens me demandent souvent quels objets se cachent derrière ces photos.  J’ai envie de leur répondre : “Elles représentent ce que vous voyez et ce que vous ressentez en les regardant ». Cependant, je suis conscient que d’apprendre d’où vient ma photo permet – outre le plaisir de la surprise dévoilée – d’introduire des réflexions sur la richesse visuelle et poétique des objets quotidiens sans intérêt à première vue. D’autre part, j’aimerais partager avec le spectateur mon expérience du “rétrécissement du champ de vue”. Rentrer dans les détails des objets n’est pas un appauvrissement de la pensée et des émotions. Cela peut constituer une insoupçonnable et imprévisible ouverture sur un univers inconnu, souvent complexe et parfois infini.

 

En empruntant l’affirmation de Mark Rothko : ”Mon art n’est pas abstrait, il vit et respire.”

 

Cette collection a fait l’objet des expositions sous le même titre “Jeux avec la lumière” : en région parisienne à Saint-Ouen à Commune Image du 28 janvier au 15 mars 2022 et à trois reprises en Italie, à l’OCRA (Espace pour l’art, la culture et l’éducation) de Montalcino (Toscane) en septembre 2022, au restaurant-bar Il Palio à Sienne en juillet 2023 et à la galerie Mohsen à Sienne en août 2023. Les photographies ont été présentées sans titre sous la forme d’une suite de diptyques et de variations. Une édition les a réunies dans un album. Son prix est de 15 euros hors livraison.